Reportage-photos: ERRANCE AUTOUR DU SAINTE-MAURE-DE-TOURAINE
Vendredi 18 mai 2012 @ 07:59:50
Je n’ai pas la prétention de faire un reportage complet sur « Le sainte-maure-de-touraine », mais étant native de la région et grande consommatrice de fromages et bien sûr de celui-ci en particulier, je me suis dit qu’il n’est jamais inutile de mettre encore une fois noir sur blanc « la vie » de cette unique bûche.
Le sainte-maure-de-touraine est produit en Touraine et nulle part ailleurs, sur une terre correspondant à l'ancienne province de Touraine : le département d'Indre-et-Loire, les cantons limitrophes du Loir-et-Cher, de l'Indre et à quelques cantons et communes limitrophes de la Vienne. Un mélange de vallées vertes et de bas plateaux au climat doux et tempéré, conditions idéales pour l’élevage caprin et l’élaboration de ce délicieux fromage.
POUR L'HISTOIRE : « Une légende du plateau de Sainte-Maure-de-Touraine conte que le fromage serait né des invasions Maures de l’époque carolingienne qui introduisirent l’élevage de la chèvre. Ce seraient d’ailleurs les femmes arabes, intégrées aux populations locales après la défaite des sarrasins à Poitiers, qui leurs auraient appris à fabriquer ce fromage au lait de chèvre en forme de bûche allongée. Ce qui est sûr, c’est que l’élevage de troupeaux de chèvre et la production de fromage dans la région tourangelle remonteraient, selon certaines sources (Archives d’Indre-et-Loire), à la période carolingienne (VIIIème et IXème siècle) : les capitulaires de l’époque montrent que gigots, côtelettes et fromages de chèvre figuraient à la première place des victuailles à fournir aux abbayes de Cormery et de Saint Martin de Tours pour les agapes de l’empereur Charlemagne et de son conseiller tourangeau Alcuin. Mais il faudra attendre 1793 et l’arrêté du Conseil Général du district de Tours, réglementant les prix de diverses denrées, pour que soit faite une première mention écrite «d’un fromage de pur chèvre» Cet arrêté ne cite pas le nom du dit fromage mais on peut déjà supposer qu’il était bien l’ancêtre du sainte-maure-de-touraine. »
Maintenant, avant de détailler le fromage, prenons le temps de parler de la productrice de lait, la chèvre (en vieux tourangeau : la chiève ou chieuve).
Dicton populaire : « Quel est l’homme le plus heureux ? Celui qui possède à la fois bonne femme, bonne mule, bonne chèvre. »
Aussi loin que l’on puisse remonter l’histoire, la chèvre a toujours été au contact des êtres humains. Elle nous offrait quantité de bienfaits en échange des quelques racines et brindilles capables d’assurer sa subsistance.
Elle fournit :
- lait (la qualité de ce dernier est voisine de la qualité du lait de la femme: il aura grande réputation au cours des siècles et peut-être encore de nos jours !? ),
- viande pour l’alimentation,
- peau et duvet pour la confection de chaussures, gants, vêtements et couvertures.
Bonne marcheuse (jusqu’à cinquante kilomètres par jour), elle a donc suivi l’homme pas à pas dans ses randonnées de nomade.
En Touraine, la descendante de la chèvre Amalthée, nourrice de Zeus, a été adoptée et domestiquée depuis la nuit des temps.
POUR CE QUI CONCERNE LES RACES, LA RÉGION TOURANGELLE EN COMPTE DEUX PRINCIPALES :
LA CHÈVRE ALPINE :
Comme son nom l'indique, elle est originaire du massif alpin. Le berceau de la race se situe en Savoie. C'est la race la plus répandue en France.
La chèvre Alpine présente une robe brune avec les extrémités et la ligne dorsale noire.
La poitrine est profonde, le bassin large et peu incliné. Les membres sont solides, les articulations sèches et les aplombs corrects.
La mamelle est volumineuse, bien attachée, se rétractant bien après la traite. Les trayons sont distincts de la mamelle, sont dirigés vers l'avant et sensiblement parallèles.
C'est une chèvre de format moyen: 50kg à 70kg pour la femelle; 80kg à 100kg pour le mâle.
Rustique, très appréciée pour ses qualités laitières et d'élevage, la race Alpine s'adapte aussi bien en stabulation qu'en pâture.
LA CHÈVRE SAANEN :
Originaire de Suisse, de la haute vallée Saane, la chèvre Saanen a une robe uniformément blanche ; son poil est court, dense et soyeux.
C'est un animal trapu, solide et paisible, aux qualités très laitières qui s'adapte très bien aux différents modes d'élevage notamment intensifs.
Aujourd’hui cette race de chèvre est la plus répandue mondialement parmi les races laitières caprines.
Elle a une poitrine profonde, large et longue, donc une grande capacité thoracique; épaule large et bien attachée; garrot bien en viande; les aplombs sont corrects.
La mamelle est globuleuse, bien attachée et large à la base.
C'est une race a fort développement: 50kg à 90kg pour la femelle; 80kg à 120kg pour le mâle.
Elle fut importée en sud Touraine suite à une épidémie qui décima une partie du troupeau caprin au début du 20ème siècle.
Maintenant, en terme général, la chèvre est un mammifère herbivore et ruminant, appartenant à la famille des bovidés, sous-famille des caprinés ou caprins.
On retrouve les chèvres un peu partout sur le globe ; la plupart du temps, elles sont domestiquées, mais on les trouve encore à l’état sauvage dans quelques contrées du Caucase, d’Iran, d’Afghanistan ou d’Irak.
Avec des cornes arquées ou sans corne (motte), avec ou sans pampilles ou pendeloques (excroissances de peau au niveau du cou), avec ou sans barbiche,
(proverbe provençal : Si pour avoir la barbe blanche on était réputé sage, les chèvres le devraient être),
la chèvre est très agile, particulièrement adaptée au saut (rochers, murailles et même aux arbres si elle apprécie le feuillage).
Il n’y a pas encore si longtemps, la chèvre broutait en liberté le long des chemins et autres lisières, menait par la grand-mère ou la petite fille de la famille « pratique connue sous le nom de vaines pâtures » ; cela ne l’a pas toujours rendue populaire.
La chèvre a des incisives inférieures, pas de supérieures ; seul un bourrelet de chair couvre sa mâchoire supérieure.
Sa température interne est de 38 à 39,5 °C.
Elle bêle ou béguète.
Elle vit en moyenne 15 ans.
ALIMENTATION :
Les chèvres de nos contrées se nourrissent de végétaux sauvages ou cultivés.
Leur besoin journalier comprend 2kg de matières sèches, (10kg de vert), du foin composé de légumineuses (vesce, luzerne) et de graminées (dactyle, ray-grass), 10 litres d’eau (variable suivant qu’elle mange du vert ou du sec) et une pierre à sel.
Donc la chèvre rumine, ce qui veut dire que les aliments qu’elle avale passent d’abord dans la panse, puis le bonnet où ils sont prédigérés.
Ensuite la chèvre se couche et fait remonter ces aliments en boulettes qu’elle mâche et avale une à une. La boulette mâchée passe dans le feuillet puis dans la caillette.
Tout ce travail de A à Z occupe la chèvre une quinzaine d’heures par jour.
Les chèvres sont nourries avec des fourrages et céréales uniquement issus du terroir tourangeau,
afin de conserver cette relation forte qui unit l'animal à cette terre et de préserver le goût spécifique du fromage.
SOINS - SANTÉ :
Les chèvres peuvent être victimes de parasites (vers) ; il faut donc vermifuger régulièrement et surveiller leurs poils : puces, tiques.
Dans certains élevages, à l’apparition de leurs cornes, les bêtes sont écornées afin qu’elles ne risquent pas de se blesser entre elles lors de bagarres (pouvant provoquer un avortement) ou de blesser toute personne qui les approche.
Cette manipulation se fait souvent en même temps que le bouclage de l’oreille (de préférence gauche), ou au pâturon (au-dessus du sabot).
Les pattes de la chèvre se terminent par deux doigts, chacun terminé par un sabot (onglon). Il faut surveiller les onglons, car ils peuvent pousser vers l’intérieur du pied et blesser la bête.
Pour éviter la maladie contagieuse du pied (le piétin) il faut tailler les onglons une fois (si ce n’est pas deux fois) par an.
Une affection qui peut tuer une chèvre en quelques heures : l’entérotoxémie. Une mort provoquée par un empoisonnement interne de l’animal, (surtout après une mise bas, l’animal n’arrivant pas à réguler sa nourriture) ;
c’est dû au développement anormalement important de bactéries anaérobies dans la caillette des chèvres. La solution est une vaccination, mais hélas il est souvent trop tard.
REPRODUCTION :
Bien sûr, il existe l’insémination artificielle, mais le bouc a encore son mot à dire dans un élevage.
Le mâle dégage une odeur puissante, accrue au moment du rut.
(Pour le bouc, ce qu’il y a de plus beau, c’est la chèvre – Marcel Pagnol).
(Proverbe peul : Même si le bouc pue, ce ne sont pas les chèvres qui lui marqueront du dégoût).
Le choix du bouc constitue un acte important pour l’éleveur ;
c’est de lui que dépendra la bonne fécondité des chèvres et le progrès du troupeau.
Contrairement à la femelle, qui ne se prête à l’accouplement qu’au moment des chaleurs, le bouc est toujours dispos.
Si le bouc perd en général ses facultés procréatrices dès sa huitième année, il jouit en revanche d’une étonnante précocité, les chevreaux réclamant déjà à 3 mois leur droit à la paternité.
Toutefois, c’est seulement vers l’âge de 5 mois qu’ils deviennent pubères, donc capables de reproduire.
Quant à la chevrette, elle doit attendre son septième mois pour qu’on puisse l’autoriser à « bouquiner ».
En général, l’accouplement a lieu en fin d’été. La gestation dure cinq mois, la chèvre met bas un ou deux chevreaux (en vieux tourangeau : des biquions).
(Proverbe breton : Qu’il soit noir, qu’il soit blanc, chaque chèvre aime son chevreau).
Le sevrage des chevreaux est à environ deux mois (entre 14 kg et 16 kg)
Nous allons maintenant parler du fromage, mais pour cela il faut faire la traite, car sans lait… pas de bons fromages…
Dans la chèvrerie, les chèvres sont réunies, deux fois par jour – le matin et le soir – dans la salle d’attente, devant la stabulation ;
lorsque la porte s’ouvre, petite bousculade, elles ont leur préférence ces dames… soit le quai de droite … soit celui tout droit.
Elles prennent vite leur place car elles peuvent déguster de bons grains de maïs.
La machine à traire en service, l’éleveur, dans la fausse, installe les gobelets trayeurs, deux par chèvre (chaque mamelle est terminée par un trayon, donc deux trayons par pis).
Le lait est acheminé par tuyaux soit directement dans une cuve (où il est réfrigéré à 3°C en attendant d’être collecté par la laiterie), soit en production fermière, dans des bidons car le lait est transformé directement après la traite.
Le temps de traite par chèvre est variable suivant la quantité qu’elle produit.
En moyenne elle donne jusqu’à trois et demi litre de lait par jour, il y a des exceptions jusqu’à 6 litres par jour (mai-juin-juillet sont les meilleurs mois).
Chose étonnante, la chèvre donne, par rapport à son poids, trois fois plus de lait qu’une vache.
Une fois la traite des deux rangées terminée, les chèvres prennent le couloir et le chemin de la chèvrerie pour aller reprendre des forces dans le foin.
Et d’autres prennent leurs places.
Passons tout de même à l’élaboration du fromage…
Il ne faut pas confondre le terme « sainte-maure-de-touraine » avec le terme générique sainte-maure qui s’applique à toutes les bûches de fromage de chèvre.
Pour la fabrication du fromage, il faut du lait de chèvre frais, entier et cru ; il n’y a aucun traitement thermique afin de maintenir son potentiel aromatique.
On lui fera prendre la forme de bûche allongée, roulée dans de la cendre de charbon de bois (de qualité médicinale), qui lui donne sa croûte d’un gris bleuté.
Traditionnellement, cette technique permettait au produit de mieux se conserver et de s’affiner correctement.
Cette filière est liée à une histoire, à une passion pour l’élevage de chèvre et la fabrication d’un produit authentique élaboré uniquement en Touraine.
La fabrication au temps de nos grand-mères :
« Le sainte-maure-de-touraine tel que nous le connaissons aujourd'hui est le résultat d'améliorations empiriques successivement apportées au cours des siècles par les habiles fermières tourangelles dans l'élaboration de leur fromage.
Son secret de fabrication se transmettait de mère en fille. Au siècle dernier, la tradition fromagère était encore considérée comme une tâche ménagère.
Le processus original d'apprentissage se faisait même de grand-mère à petite fille alors que le reste de la famille était occupé aux travaux extérieurs.
Au printemps, le lait était emprésuré à chaque traite alors qu'en fin de lactation des chèvres, en hiver, il était emprésuré une fois par jour et entreposé dans une pièce fraîche jusqu'au lendemain matin.
Le mélange était ensuite réparti dans des pots en grès et mis à cailler avec de la présure et le lactosérum de la veille.
On laissait reposer le caillé pendant une journée avant de le mouler dans des «faissines» en fer blanc grâce à une cuillère à ragoût à bec pointu. Sitôt démoulés, les fromages étaient salés au gros sel additionné de cendre de charbon de bois pris dans la cheminée.
L'opération de salage consistait à rouler le fromage dans le mélange sel et charbon sans oublier les extrémités. On mettait la paille quand les fromages avaient tendance à se casser. La paille n'était donc pas synonyme de qualité bien au contraire ! »
Donc le savoir-faire fromager a été transmis de génération en génération et c'est dans le plus grand respect de cette tradition que le sainte-maure-de-touraine est toujours élaboré.
Fabriqué uniquement à la ferme jusqu'au début du 20ème siècle, le sainte-maure-de- touraine est aujourd'hui également produit en laiterie.
Les gestes et l'attention portés à toutes les étapes de la production sont restés strictement les mêmes.
Suivant les saisons, 2l à 2.5l de lait de chèvre sont nécessaires à la fabrication du sainte-maure-de-touraine.
Pour la fabrication fermière, nous avons la traite et le lait va directement en salle pour :
L'EMPRÉSURAGE du lait cru (après chaque traite ou une fois par jour) se fait à une température comprise entre 16°C et 18°C avec de la présure caprine (présure pris de la caillette (un des 4 estomacs) des chevreaux, indispensable pour le caillage.
LE CAILLAGE qui s'effectue lentement pendant 24h.
LE MOULAGE : le caillé (partie solide) est ensuite déposé avec beaucoup de précautions, manuellement, via un répartiteur, dans des moules (faisselles) tronconiques qui possèdent une extrémité supérieure plus large pour faciliter le remplissage et le démoulage.
Le moulage se fait en deux ou trois étapes (dernière étape à la louche), pour obtenir la bonne longueur, mais le tout en plus de trois heures, car en fin de compte le fromage doit avoir une forme homogène (il est débarrassé de sa partie liquide le petit lait (lactoserum).
L'ÉGOUTTAGE, où le caillé continue à s’égoutter doucement jusqu’au lendemain.
Puis suit
LE DÉMOULAGE qui doit être effectué délicatement afin de ne pas briser le fromage.
C’est à ce stade que doit être introduite la paille de seigle pyrogravée au nom du producteur, de façon que la traçabilité soit garantie.
Cette paille permet de consolider le fromage, lequel doit avoir une longueur de 16 à 17 cm et un diamètre de 4,5 à 5,5 cm et un poids de 340 gr.
LE SALAGE : pour bien faire «bleuir» le fromage, il faut écraser du charbon de bois (le plus souvent du chêne), le mélanger au sel et rouler la surface du fromage dans cette préparation.
LE VENTILAGE, le fromage est déposé sur des claies où, pendant 24h, il termine son égouttage et prépare son croutage à une température de 16-17°C.
Après toutes ces différentes transformations, la production est placée dans un hâloir (ou salle d’affinage) frais, humide et ventilé (9-10°C), pour
L'AFFINAGE d’un minimum de 10 jours.
Les stades de l’affinage (fromages régulièrement retournés à la main) sont au nombre de trois et à chacun sa saveur:
MOELLEUX (12 jours après son emprésurage jusqu’à 3 semaines)
Couverture légèrement brillante, peu fleurie.
Parfum délicat légèrement acidulé.
Texture tendre, peu serrée légèrement humide.
DEMI-AFFINÉ ou DEMI-SEC (3 à 5 semaines)
Croûte fleurie et possède une pigmentation naturelle bleue liée au développement naturel de la flore du fromage. Goût de chèvre affirmé sans excès.
Texture plus sèche.
AFFINÉ ou SEC (plus de 5 semaines)
La croûte est très fleurie de pigments bleu foncé.
Le fromage a légèrement diminué de volume en raison de l’évaporation de l’humidité.
Un affinage sec lui donne un goût prononcé de chèvre au parfum de noisette.
Sa croûte est sèche et dure. Il peut se conserver plusieurs semaines, même plusieurs mois.
Il faut signaler que le fromage blanc, frais salé (cendré) jusqu’à moelleux peut être aussi vendu, mais il n’aura pas de paille donc pas d’AOP ;
ce sera un fromage FERMIER. Le travail reste le même, le lait est le même, ce n’est qu’une question de … paille.
IMPORTANT POUR CONCLURE:
Pour être certifié en Appellation d'origine Protégée, le sainte-maure-de-touraine doit subir un affinage d'une durée minimale de 10 jours.
Le véritable sainte-maure-de-touraine a une robe grisée, sa forme cylindrique, légèrement évasée à l'une de ses extrémités est le signe d'une fabrication traditionnelle et de l'emploi d'un moule tronconique.
Autre signe de reconnaissance, le fabricant fromager baptise chaque fromage d'une paille qui le transperce de bout en bout. Pas de sainte-maure-de-touraine sans paille gravée au nom de l'appellation et du nom et identifiant du fabriquant.
Sur chaque fromage se trouve une étiquette ovale avec une demi-lune supérieure portant la mention "sainte-maure-de-touraine". Dans la partie inférieure de l'ovale figure le sigle européen de l'Appellation d'Origine Protégée (AOP).
Certitude que le fromage a été fabriqué selon un savoir-faire transmis de génération en génération et transcrit dans un cahier des charges précis.
AOC = AOP
Appellation d'Origine Contrôlée : C comme Contrôlée par l'INAO.
Appellation d'Origine Protégée : P comme Protégée par l'Union Européenne.
Ces deux termes ne peuvent être délivrés que par ces deux autorités officielles.
Le logo européen AOP est rouge et jaune. 12 étoiles, représentant l'Europe des 12, encerclent une série de traits représentant les différents sillons d'un champ.
AOP : Le « sainte-maure » est un fromage de chèvre produit dans la région de Touraine, mais seul le " sainte-maure-de-touraine " bénéficie de l'AOP depuis 1996.
La région tourangelle compte des producteurs de lait de chèvre, des entreprises laitières, des producteurs fermiers, des artisans fromagers et des affineurs.
Comme déjà mentionné plus haut, seul le véritable sainte-maure-de-touraine est traversé d'une paille de seigle en son milieu,
cette paille comporte le nom de l’appellation, le numéro d'identification et le nom du producteur. La paille de seigle est donc un gage de qualité et de traçabilité pour le consommateur.
LE SEIGLE
La culture du seigle dans les terres de «gâtine» du sud Lochois fournit la fameuse paille du sainte-maure-de-touraine.
Il est cultivé en culture biologique, semé en novembre et récolté aux alentours du 14 juillet de l’année suivante.
La récolte s’effectue traditionnellement avec une faucheuse lieuse, ancêtre des moissonneuses. Ainsi, la paille et l’épi sont coupés en vert.
Après la coupe à la mi-juillet, le seigle est mis à sécher. Il profite du soleil poursuivant ainsi le mûrissement de ses tiges, entassé en gerbes dans le champ, avant d’être rentré dans une grange.
Puis le grain est séparé de la paille qui est stockée à l'abri des intempéries. Cette céréale possède une haute tige ce qui permet d’envisager la production de deux pailles par tige.
Un hectare de seigle permet la confection de 2 millions de pailles.
Celles-ci sont épluchées et calibrées manuellement (ne doivent présenter aucun nœud), coupées à une longueur de 17 cm.
Ensuite la gravure s’effectue à l’aide d’un laser qui pyrograve le nom de l’appellation, le numéro sanitaire de la fromagerie et le nom du fabricant. Une fois gravée, la paille est thermisée afin d’éliminer les bactéries éventuelles.
L’ensachage des pailles s’effectue sous vide. Ainsi, les pailles sous vide dont distribuées aux fromagers sainte-maure-de-touraine uniquement.
Ce sont quelques 6 millions de pailles de seigle qui sont marquées chaque année pour les besoins de la production !
(Une attitude citoyenne - Le sainte-maure-de-touraine procure du travail à des personnes handicapées qui réalisent (à Bridoré) la découpe de sa tige, la gravure de la paille et son expédition aux opérateurs de l'appellation).
Voilà nous sommes presque fin mai ;
dans quelques jours comme chaque année, le premier week-end de juin (cette année les 2 et 3 juin 2012),
Sainte-Maure-de-Touraine organise sa grande Foire Nationale aux Fromages, qui accueille toujours des milliers de visiteurs.
Pour finir une petite recette :
Salade de Sainte-Maure-de-Touraine aux pommes tièdes
Coupez le fromage en huit tronçons. Passez-les d’abord dans l’œuf battu, puis dans la chapelure.
Epluchez les pommes, coupez-les en quartiers.
Dans une casserole, mettez les morceaux de pommes et de fromage à cuire quelques instants dans une belle noix de beurre.
Mettez pommes et fromage dans un plat allant au four et chauffez quelques minutes à four moyen.
Retirez du four et dressez sur la salade assaisonnée avec une vinaigrette au vinaigre de framboises et agrémentée de dés de tomates et de cerneaux de noix.
S’apprécie avec un Chinon rosé (à consommer avec modération).
Nous sommes en France, pour une fable sur la chèvre, il n’y a pas mieux que de lire Jean de La Fontaine :
LE LOUP, LA CHÈVRE ET LE CHEVREAU
La bique allant remplir sa traînante mamelle,
Et paître l’herbe nouvelle,
Ferma sa porte au loquet,
Non sans dire à son biquet :
« Gardez-vous, sur votre vie,
D’ouvrir que l’on ne vous die,
Pour enseigne et mot du guet :
Foin du loup et de sa race ! »
Comme elle disait ces mots,
Le loup de fortune passe ;
Il les recueille à propos,
Et les garde en sa mémoire.
La bique, comme on peut croire,
N’avait pas vu le glouton.
Dès qu’il la voit partie, il contrefait son ton
Et d’une voix papelarde
Il demande qu’on ouvre, en disant : « Foin du loup ! »
Et croyant entrer tout d’un coup.
Le biquet soupçonneux par la fente regarde :
« Montrez-moi patte blanche, ou je n’ouvrirai point »,
S’écria-t-il d’abord. Patte blanche est un point
Chez les loups, comme on sait, rarement en usage.
Celui-ci, fort surpris d’entendre ce langage,
Comme il était venu s’en retourna chez soi.
Où serait le biquet s’il eût ajouté foi
Au mot du guet que de fortune
Notre loup avait entendu ?
Deux sûretés valent mieux qu’une,
Et le trop en cela ne fut jamais perdu.
Eliane Los-Cartier